Comment garantir un accès géographique égalitaire aux établissements universitaires ? Quel peut être le rôle des collectivités locales dans cette démarche ?

Publié le par Hugoruth

Pousser une classe d’âge toute entière vers le baccalauréat, c’est aussi les pousser vers l’enseignement supérieur. Car le niveau du bac, qu’on le veuille ou pas, a véritablement baissé ces dernières décennies. A brader le premier diplôme universitaire, on amène une population toujours plus importante ( plus de 500 000 bacheliers par an depuis 2005 ) vers les études supérieures. Les établissements d’enseignement supérieur ne sont pas préparés à accueillir une telle population, tout du moins dans les villes moyennes. On veut former toujours plus haut, toujours plus vite mais cette logique dévalorise les diplômes les uns après les autres. Un exemple assez simple se trouve au niveau du recrutement des professeurs des écoles. L’école normale, devenue IUFM, officie depuis Louis-Philippe mais pour y accéder, demande depuis 1992 aux postulants d’être titulaire d’une licence. Notons bien que peu importe la licence, c’est le grade universitaire qui compte. Raison officielle : Permettre de mieux rémunérer les « instits » et leur assurer une meilleure reconnaissance. Raison réelle : Le niveau scolaire s’est tellement abaissé que pour garder des candidats en quantité raisonnable et avec une perte moindre de qualité, il faut augmenter la difficulté. La conséquence à cette mesure était fort logique, l’enseignement supérieur s’est engorgé et désormais, on a tellement bradé la Licence que le gouvernement souhaite forcer les futurs enseignants à aller jusqu’à BAC + 5. Pas qu’ils souhaitent de meilleurs profs, mais c’est aujourd’hui un moyen de cacher l’effondrement total du niveau scolaire.

 

Mais passons sur ce constat qui mériterait mieux qu’une place introductive mais qui devrait faire l’objet d’un grand débat national « Quel avenir pour nos diplômes ? ». Reste que cet engouement, un peu forcé, pour les études supérieures ne se gère pas de la même manière si l’on réside à Paris, Marseille ou Lille ou si c’est à Bourges, Cherbourg ou encore Montélimar qu’on a vécu ses premières années. La discrimination géographique existe depuis toujours, le simple fait d’entrer au collège provoquant un déplacement parfois important. Le lycée souffre des mêmes soucis avec quand même une différence majeure. Des lycées, il y en a dans tous les départements de France. Les établissements d’enseignement supérieur, ce n’est pas le cas. Les déplacements engendrés sont alors d’une part plus long que pour le secondaire et plus massifs. Les régions doivent donc résoudre la problématique de l’isolement géographique par rapport aux études. Il faut compter trois heures de train pour relier St-Amand Montrond et Tours (avec une correspondance à Bourges). Pour quelqu’un vivant ne serait-ce qu’à Culan, il faut rajouter 40 minutes de trajet, soit en tout plus de quatre heures. Ce temps n’est certes pas perdu, encore faut-il avoir un moyen de se rendre à St-Amand pour prendre le train car sans apport des parents, il devient presque impossible d’étudier. Vrai au niveau économique, cela se révèle aussi véridique dans l’accès géographique.

 

Quelle réponse apporter à cette problématique ? Plusieurs seraient, à mon sens, extrêmement utiles. Tout d’abord, à l’instar de ce qui se fait outre-Rhin, c’est la mise en place d’un pass transport en commun sur l’ensemble de la région (« Semesterticket »). Ce pass permet aux étudiants dont l’établissement se situe dans une région A de bénéficier de l’ensemble des transports en commun régionaux gratuitement. (Par régionaux, j’exclue les TGV même pour des trajets internes à la région). Les trains seraient concernés, mais pas seulement. Cela concernerait aussi bus, trams et cars. Evidemment, l’impact semble moindre à l’échelle de la Région Centre qu’à l’échelle de Berlin où les moyens de transport sont multimodaux. Mais pour les étudiants et leurs familles, un tel pass permet d’éviter l’achat de carte de trains, puis de billets (comptez au bas mot 30 € aller-retour pour un trajet St-Amand / Tours, soit une dépense annuelle de 600 € pour un étudiant revenant chez lui un WE sur deux). Cela économise également les abonnements de bus et permet d’encourager la prise de transports en commun. Une telle initiative, évidemment, a un coût. Dans le Land de la Rhénanie du Nord – Westphalie, le coût est de  130 € pour six mois. Même à un tarif approchant les 300 € / an, le bénéfice est extrêmement important pour les familles (Rien qu’un abonnement de bus pour étudiant dans une des villes de la région coûte 26,50 / mois, faites le calcul sur un an). Pour réaliser un tel projet, qui ressemble par certains aspects à la Carte Imaginaire en région parisienne, il faut que les régions s’impliquent, mais pas seules. Le projet doit concilier l’Université, la région, les différents réseaux de transport (SNCF, syndicats locaux de bus,…) et l’état. Il est évident que les 130€ versés par les étudiants ne suffit pas seul, d’où la nécessité d’associer la région et l’état afin que les entreprises de transport ne soient pas perdantes dans une telle initiative.

 

Il me semble nécessaire également de tout faire pour rendre les réseaux de transport en commun complémentaires. Par exemple, il faut développer, partout où cela ne se fait pas encore, les réseaux affluents vers les villes universitaires et les irriguer avec des correspondances simplifiées. Il faut que les étudiants, d’où qu’ils viennent, puissent facilement rejoindre leur université en empruntant sur 90% du trajet des moyens de locomotion peu polluants. Le développement du covoiturage étudiant, qui est une réalité dans beaucoup d’établissements, montre que la demande est extrêmement importante  en matière d’investissements dans le domaine de l’accès aux études. Le procédé en lui-même doit être encourage et l’ensemble des collectivités locales doit tout faire pour encourager ces procédés : Il peut s’agir, par exemple, d’organiser dans les petites communes et de manière institutionnelle un système de covoiturage soit vers la grande gare la plus proche, soit directement vers le centre de la ville universitaire selon la distance totale à parcourir. Quitte à ce que ceux qui jouent le jeu du covoiturage se voient récompensés par la possibilité de déduire de ses revenus déclarés l’essence utilisée pour le transport, à la manière des dons aux associations caritatives. L’essentiel est aussi de permettre aux jeunes dont les parents ne peuvent pas les emmener à la gare de se rendre à l’Université sans « galères ». L’Etat doit aussi s’engager dans les aides diverses fournies aux jeunes désirant investir dans des véhicules peu ou pas polluants. Trop de jeunes se rabattent sur de vieux modèles très polluants faute de moyens suffisants. A l’instar du « bonus-malus », les étudiants qui désirent faire cet effort devraient se voir soutenus par l’état (emprunt à taux zéro pour financer l’achat, remboursable après les études). Cette aide, évidemment, doit cibler les jeunes dont le besoin d’acquérir un véhicule est réel. Il ne s’agit pas de mener une politique « Un étudiant = une voiture », bien au contraire, mais de permettre à ceux n’ayant pas le choix de se déplacer de manière verte sans que cela ne soit, pour eux, un gouffre budgétaire.

 

Mais les initiatives ne doivent pas se cantonner à l’aspect transport : Il est impératif de rendre plus égalitaire le système de bourse : Un étudiant passant du lycée à l’université dans la même ville peut voir sa bourse augmenter largement sans que ses dépenses ne subissent la moindre augmentation. L’APL ne suffit pas pour compenser les inégalités géographiques. Les logements CROUS doivent être réservés en priorité aux étudiants venant de loin et pas être seulement attribués aux étudiants boursiers. Les critères d’attribution des bourses doivent être dans tous les cas refondus et la place géographique doit devenir centrale car une famille avec 2 500 € par mois vivant à 150 km de la ville universitaire aura plus de mal à financer des études qu’un foyer ne recevant que 2000 € / mois mais donc l’enfant irait dans la même ville à l’Université. Pour cela, il faut revaloriser le lieu d’origine en restreignant le champ des possibles aux universités les plus proches : Pas question d’aller volontairement s’inscrire loin pour toucher plus de bourses.

 

Dans ces idées, la place de la région est évidemment centrale mais il ne suffira pas uniquement de financer ces programmes. Il est impératif que la communication autour de ces initiatives permette de les rendre naturelles, ce qui reste le seul moyen de les rendre durables. Il convient également pour l’ensemble des collectivités d’encourager les ouvertures d’UFR locaux délocalisés, comme c’est le cas à Bourges ou à Blois. Ces ouvertures permettent à une population étudiante d’une part de se rendre moins loin pour étudier, au moins les premières années, mais permet également de rendre plus accessibles ces études, les villes moyennes offrant des loyers largement inférieurs. Le coût de la vie en général varie parfois fortement. Il est donc urgent d’agir car la situation n’est réellement pas facile pour ces étudiants ruraux qui, souvent, se voient obligés de se couper, au moins physiquement, de leur famille, faute de moyens pour aller les voir régulièrement. Et si tous les étudiants ne souhaitent pas forcément rentrer chez eux chaque week-end, cela n’est pas une raison pour ne pas leur donner la possibilité de le faire.

Publié dans Politique locale

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